Sanctions pénales

L’imaginaire collectif occidental perçoit malheureusement l’Islam à travers un prisme déformant. Comme la Bible, le Coran contient en effet des commandements relatifs aux sanctions pénales qui peuvent être mal interprétés par le lecteur du XXIème siècle. Il faut avant tout rappeler que ces sanctions (hudud) n’ont été historiquement que très peu applicables et très peu appliquées. A plusieurs reprises, des femmes et des hommes pris de remords sont venus voir le Prophète ﷺ pour confesser une faute, demandant d’être sanctionnés, et sa première réaction était de refuser. Clarifions.

 

Premièrement, il faut tenir compte de l’ensemble des sources reconnues. Le droit n’est pas uniquement tiré du Coran, même s’il en est évidemment la source première. Les juristes se sont, en grande majorité, accordés sur les sources de loi suivantes : le Coran, la sunna (voie) du Prophète ﷺ (connue à travers les hadiths), le consensus, le raisonnement par analogie. C’est pourquoi légiférer ou prononcer un avis juridique (ceci est interdit, ceci est obligatoire, etc.) demande une vaste connaissance des sources, des règles d’interprétation, etc. On ne peut pas isoler un verset ou un hadith et conclure à une obligation, un interdit ou une quelconque règle parce que le texte, pris de manière isolée, semble y inviter.

 

Deuxièmement, le travail d’exégèse et la formulation d’une opinion juridique suit des règles d’interprétation précises et requiert une longue formation et de véritables compétences. Il existe des règles d’interprétation des sources. Ce qui a d’ailleurs donné naissance à de nombreuses sciences islamiques (usul). Cette prescription est-elle générale ou spécifique ? S’agit-il d’une obligation ou d’une recommandation ? Est-ce applicable dans un différent contexte historique ? Etc. Seuls des savants et juristes formés sont aptes à formuler de telles opinions.

 

Troisièmement, une loi ou une règle juridique, quelle qu’elle soit, ne peut être dissociée de ses règles d’application. Chaque injonction (commande ou interdiction) s’inscrit dans un contexte. Ce contexte peut s’articuler autour de trois types d’éléments : les causes, les conditions et les potentiels empêchements, souvent liés aux objectifs mêmes de l’injonction. Prenons un exemple simple : le jeûne du Ramadan. C’est une obligation, mais il faut pour autant tenir compte des règles d’application pour comprendre sa validité. Une cause de l’obligation du jeûne est le début du jour (pas d’obligation de jeûner avant l’aube), une condition est par exemple le fait d’être adulte (pas d’obligation de jeûner pour les enfants), un potentiel empêchement est le fait d’avoir une santé faible (pas d’obligation de jeûner pour celui dont la santé ne le permet pas).

Ainsi, une règle ne peut être extraite de son contexte. Jeûner est une règle, en l’occurrence une obligation. Pour autant il faut tenir compte des conditions d’application. Un exemple simple pour montrer qu’on ne peut isoler un verset du texte et du contexte et l’appliquer tel quel sans l’intermédiation de l’intellect.

Revenons-en aux hudud. Dans la même logique, malgré le texte indiquant que le voleur doit se voir couper la main, le Calife et compagnon du Prophète ﷺ décida de ne pas appliquer la règle lorsqu’une famine s’abattit sur la communauté. Avec le texte, le contexte.

 

Quatrièmement, le hadd (pl. hudud) signifie littéralement la limite. Autrement dit, il ne s’agit pas forcément de la sentence à appliquer, qui peut être plus légère ou annulée, comme l’a fait le Prophète ﷺ suite au repentir de certains.

 

Cinquièmement, pour qu’une culpabilité soit établie et une sentence appliquée, il faut rigoureusement établir la preuve juridique. Et le droit islamique est extrêmement exigeant là-dessus. A titre d’exemple, pour être accusé d’adultère, il faut quatre témoins oculaires qui soient reconnus comme étant des personnes au témoignage fiable… Autrement dit, la preuve est structurellement difficile à établir. On voit ici la sagesse d’un tel système qui permet d’éduquer les gens sur la gravité des fautes (vol, adultère, etc. sont graves à la hauteur de la sentence potentielle) mais qui en réalité s’empêche d’appliquer la sentence.

 

L’islam est une religion de compassion et de pardon. Il suffit de retourner à l’exemple du Prophète ﷺ pour s’en convaincre. Il entendait et pardonnait. Toujours avec patience. Toujours avec clémence.

 

Voir aussi : Histoire : La vie du Prophète