La période médinoise

Arrivés à Médine, le Prophète demande aux Musulmans de répandre la paix, de donner à manger à ceux qui ont faim, d’honorer les liens de parenté, de prier alors que les gens dorment… L’acceptation de la foi en un Dieu unique met fin à un long conflit entre deux tribus médinoises, les Aws et les Khazraj. Un pacte est signé, aussi appelé plus tard la « Constitution de Médine ». Il établit le respect, la libre cohabitation et l’assistance mutuelle et fraternelle entre les différentes tribus et fois, y compris les tribus juives qui vivent à Médine (il n’y a à l’époque pas ou que très peu de Chrétiens). Les Juifs font ainsi partie intégrante de la Umma, la communauté de foi au sens élargi. Un pacte de fraternité est également établi entre Musulmans exilés (Muhajirun) et Médinois (Ansar).

 

A La Mecque, la rancœur des Quraysh est forte et leur envie d’exterminer la communauté de foi grandit. Ce qui donne lieu à plusieurs batailles durant les premières années de la période médinoise. Face au risque d’extermination et de massacre des Musulmans, une nouvelle forme de jihad (littéralement « effort ») est autorisée. Après le « grand jihad », celui de la spiritualité et du cœur qui résiste contre les penchants égoïstes et les passions, et après une décennie de résistance passive, autorisation est finalement donnée de résister physiquement contre l’agresseur : c’est le « petit jihad », comme l’expliquera plus tard le Prophète. Le premier a pour objectif de rétablir la paix intérieure, le second la paix extérieure et la justice.

Le Coran et le Prophète établissent pour autant une éthique très claire du conflit. Autorisation de prendre les armes n’est accordée qu’en cas de légitime défense face à une agression injuste. La riposte ne doit en aucun cas dépasser l’agression. Aucune femme ni aucun enfant ne doivent être touchés. Même vis-à-vis des combattants, il est strictement interdit de transgresser, torturer, mutiler… Il n’est autorisé de répondre qu’à la mesure de l’agression. Et pardonner est encore plus méritoire. Quiconque se rend doit être protégé. Se suicider est strictement interdit. Par respect pour la création, les animaux doivent être épargnés, les arbres et la nature doivent être protégés. Les synagogues, églises et monastères doivent être respectés. L’objectif doit toujours être le rétablissement de la paix et de la justice. La fin ne justifie pas les moyens.

 

Un traité est enfin signé avec les Quraysh et garantit la paix pour plusieurs années. Ce traité de Hudaybiya va permettre aux croyants d’approfondir leur compréhension de la religion et au Prophète d’enseigner sereinement. Le Prophète continue de recevoir des révélations divines, des versets du Coran, et de les transmettre aux croyants. A côté de la parole révélée et inaltérée de Dieu que sont les versets du Coran, le Prophète enseigne par sa propre parole, ses actes et son comportement. Ces enseignements seront préservés rigoureusement sous forme de hadiths : les traditions prophétiques. Le Prophète enseigne la patience, la générosité, le pardon, la tolérance, l’amour des pauvres, le respect des femmes, des liens de parenté, de la nature… et montre l’exemple au quotidien.

Bien qu’étant le chef de la communauté, il vit de manière extrêmement modeste et simple, dans une petite habitation rattachée à la mosquée. Il redistribue les cadeaux qu’il reçoit, affranchit les esclaves qu’on lui envoie. Il y a souvent peu de nourriture chez lui. Quand sa femme lui répond qu’ils n’ont rien à manger, il réagit avec tendresse en disant qu’il en profitera pour jeûner. Dans la difficulté, il reste souriant. Dans l’intimité de son foyer, il est respectueux, à l’écoute et tendre, il coud lui-même ses vêtements et participe aux tâches ménagères. Il joue avec ses petits-enfants. Il pleure à la mort de ses proches, il pleure quand il prie. Il a refusé toutes les offres de pouvoir et de richesses de la part des Quraysh qui demandent qu’il renonce à sa mission prophétique. Son attitude est pourtant toujours celle de la tolérance et du respect vis-à-vis des différentes fois, en particulier les « gens du Livre » (Chrétiens et Juifs). « Nulle contrainte en religion » [2.256], rappelle le Coran. Quelques années auparavant, lorsque des dignitaires chrétiens de Najran viennent à sa rencontre pour écouter le nouveau Message, il les autorise à effectuer leur prière et leurs rites dans sa mosquée avant de repartir chez eux.

 

Peu de temps après la signature du pacte, des alliés des Quraysh attaquent et tuent des alliés des Musulmans et violent ainsi, après plusieurs provocations, l’accord de paix. Environ dix mille croyants, à la tête desquels se trouve le Prophète, quittent alors Médine et se mettent en marche vers La Mecque. Alors que les Mecquois redoutent le pire et s’attendent à subir la conséquence de leurs agissements face à cette imposante armée, le Prophète les surprend encore par sa bonté et leur annonce qu’il ne leur sera fait aucun mal et qu’ils sont pardonnés. Fidèle à son habitude, le Prophète, dans cette reconquête pacifique de La Mecque, pardonne à ceux qui ont tué tant de ses proches, qui l’ont humilié, maltraité et banni. Il entre à La Mecque prosterné sur sa monture en signe de gratitude et d’humilité face à Dieu. Il fait détruire les idoles qui se trouvent encore dans la Kaaba pour rétablir le culte de l’Unique, rappelant le geste d’Abraham (voir Abraham dans l’Islam).

 

La région désormais pacifiée, le Prophète retourne vivre à Médine. Peu de temps après, vers la fin de sa vie, il conduit les Musulmans pour un pèlerinage de l’adieu à La Mecque. Face à des dizaines de milliers de croyants, il prononce un sermon qui restera célèbre. Il leur dit qu’il ne sait pas s’il sera encore des leurs l’année suivante, leur rappelle la sacralité de la vie et leur rappelle qu’ils devront rendre compte de leurs actions devant Dieu. Il leur rappelle les piliers de l’Islam, ainsi que le devoir de traiter leurs femmes avec bonté et d’être doux envers elles. Il interrompt son discours plusieurs fois en s’adressant à son Créateur : « Ai-je transmis le message ? O Dieu, sois témoin. » Il rappelle l’égalité absolue de tous les êtres humains qui ne se distinguent que par leur cœur et leurs actions : « Un Arabe n’est pas supérieur à un non-Arabe et un non-Arabe n’est pas supérieur à un Arabe, comme un blanc n’est pas supérieur à un noir et un noir n’est pas supérieur à un blanc. Si ce n’est par la piété (la conscience intime de Dieu). »

 

Peu de temps après, le Prophète tombe malade. Il distribue le peu de biens qu’il possède et s’assure qu’il ne doit aucune dette à personne. Il continue de faire des recommandations à sa communauté, leur interdit de commettre des actes d’idolâtrie sur sa tombe. Il n’est qu’un messager, un homme parmi eux, et Dieu est l’Unique digne d’adoration. Il leur confie qu’il ne craint pas pour eux le retour au polythéisme mais l’attachement aux biens, aux richesses et aux illusions de ce monde. A sa fille Fatima qui pleure de tristesse, il lui confie qu’il n’y aura plus de souffrance pour son père, puis la fait sourire en lui murmurant qu’elle sera la première de sa famille à le rejoindre… Le Prophète rend son dernier souffle peu de temps après, dans les bras de sa femme Aïsha. A l’ensemble de la communauté qui est sous le choc, ainsi qu’à son proche compagnon Omar Ibn Al-Khattab qui menace de tuer quiconque dira que le Prophète est mort, l’ami de toujours Abu Bakr rappelle : « Que ceux qui adoraient Muhammad sachent que Muhammad est mort. Et que ceux qui adorent Dieu sachent que Dieu est le Vivant qui ne meurt jamais. » Puis il récite un verset du Coran révélé longtemps auparavant : « Et Muhammad n’est qu’un messager avant lequel des messagers sont passés. S’il mourait donc ou était tué, retourneriez-vous sur vos talons ? Quiconque retourne sur ses talons ne nuira en rien à Dieu ; et Dieu récompensera ceux qui sont reconnaissants. » [3.144]

 

Le Prophète laisse une communauté de croyants triste, orpheline de son bien-aimé mais riche de la foi en Dieu et de ses enseignements. Le Prophète leur a transmis le Coran et a laissé en héritage ses enseignements, sa voie : celle de la foi, de la pratique, de la spiritualité et de la bonté.

 

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