La troisième dimension mentionnée dans la narration de Gabriel, après l’islam et l’iman, est l’ihsan.
D’un point de vue linguistique, le mot islam renvoie aux notions de paix et de don de soi. Le mot iman renvoie aux notions de sécurité et de foi. Le mot ihsan renvoie, quant à lui, aux notions d’excellence, de perfectionnement et de beauté. Ainsi, selon la majorité des savants, l’ihsan renvoie à l’excellence spirituelle et au bel-agir.
Comme l’a rappelé le Prophète ﷺ, Dieu est Beau et aime la beauté. Il s’agit d’exceller dans la foi, la pratique et le comportement, dans l’intériorité et l’extériorité. En somme, comme l’explique le Prophète ﷺ dans la narration, de vivre et d’agir « comme si l’on voyait Dieu ».
La religion doit être fondée, en amont, sur une foi (iman) clairement comprise par l’intellect. Cette foi permet d’éclairer la pratique et les rituels du corps. La pratique (islam), qui permet de se souvenir de Dieu, doit à son tour réformer le cœur et le comportement du croyant. La finalité de la pratique, selon les mystiques, est dans l’élévation spirituelle (ihsan) et l’Amour de Dieu. Etre dans Sa proximité. Voir Dieu dans chacune de nos actions, sentir Sa présence. L’ihsan est la profondeur apportée à la verticalité de l’iman et à l’horizontalité de l’islam. C’est le cœur qui guide l’intellect et le corps.
Pratique et spiritualité se nourrissent l’une de l’autre. Le rituel doit aider le croyant à réformer son comportement et s’élever spirituellement. Cet état spirituel permet à son tour de comprendre le rituel, de pratiquer avec un supplément d’âme, de cœur. C’est au cœur de ce cercle vertueux, dans cet équilibre et cette compréhension que le croyant s’élève et se rapproche de Dieu.
La foi et le culte ne doivent pas être isolés et séparés du comportement et des actions du croyant. Ils doivent au contraire permettre une contribution positive du croyant à son environnement. Le Coran rappelle à de nombreuses reprises la nécessité de respecter les deux dimensions interne et externe. L’expression « ceux qui croient et font de bonnes œuvres » est répétée à de nombreuses reprises. De la même manière, la prière est souvent mentionnée de pair avec l’aumône. Prier et aider. Croire et faire le bien.
Le croyant est ainsi invité à faire le bien dans chacune de ses actions. Vivre comme s’il voyait Dieu. C’est le sens de l’ihsan donné par le Prophète ﷺ. C’est pourquoi l’intention (niya) dans chacune des actions est primordiale et que la distinction entre sacré et profane n’est pas figée. Toute action du quotidien, mue par une bonne intention, devient un acte d’adoration. On ne mange pas pour se goinfrer ou uniquement par plaisir mais avec gratitude et humilité face aux dons du Créateur, pour entretenir sa santé, vivre avec dignité et adorer Dieu. On ne donne pas au mendiant parce qu’on veut se débarrasser de ses pièces mais parce qu’on veut aider l’humanité, honorer sa responsabilité envers la création tout en montrant sa gratitude envers Dieu. Manger, boire, dormir, travailler, … Mû par la conscience intime de Dieu, tout acte devient adoration.
Pour autant, il faut souligner que l’Islam n’est pas un système de valeurs en rupture. Le bon comportement en dehors de l’Islam est le bon comportement dans l’Islam. Vices et vertus en dehors de l’Islam sont respectivement vices et vertus dans l’Islam. Le Prophète ﷺ a dit avoir été envoyé « pour parachever les nobles comportements », donc que ceux-ci étaient déjà connus. Une autre tradition prophétique rapporte encore que « les meilleurs avant l’Islam sont les meilleurs dans l’Islam, s’ils (en) ont une compréhension claire ». Les bons comportements, les vertus, les vices, ne sont pas différents dans l’Islam.
C’est à la lumière de cette compréhension que l’on peut aborder les différentes dimensions de l’être ainsi que ses vices et ses vertus.
Suite : Les dimensions de l’être